Dimanche des Rameaux et de la Passion
Abbé Jean Compazieu | 3 avril 2022Ensemble,
acclamons le Christ qui se donne
Homélie Textes bibliques : Lire
L’évangile des Rameaux proclamé avant la procession d’entrée nous a rapporté des paroles qui donnent à réfléchir : “Quelques pharisiens qui se trouvaient dans la foule dirent à Jésus : “Maître, arrête tes disciples !” Mais Jésus leur répondit : “Je vous le déclare, s’ils se taisent, les pierres crieront.” Voilà donc cette foule à laquelle nous nous joignons pour acclamer le Christ. Mais aujourd’hui, nous voyons qu’elle n’est pas unanime. Il y en a toujours quelques uns pour récriminer.
Cette foule rassemblée autour du Seigneur rend grâce pour tous les miracles qu’elle a vus. Elle reconnaît en Jésus “celui qui vient au nom du Seigneur.” Mais certains estiment que c’est trop et ils lui demandent d’arrêter ses disciples. Aujourd’hui, nous pouvons nous poser la question : Est-il possible d’en faire trop pour le Seigneur ? Si nous lisons les évangiles et l’histoire de l’Église, nous remarquons que ce reproche revient régulièrement : Marie verse un parfum précieux sur les pieds de Jésus. Alors Judas fait remarquer qu’avec l’argent correspondant, on aurait pu servir les pauvres. Le curé d’Ars qui vivait très pauvrement se procurera les ornements et les objets sacrés les plus beaux pour le culte. Ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres.
Rien n’est trop beau pour Dieu. Nous n’avons pas à nous retenir quand il s’agit de lui rendre grâce pour les merveilles qu’il accomplit. Nous n’en ferons jamais trop pour lui. Quelquefois, on entend parler de “programme minimum” pour la télévision ou les services publics et nous savons combien cela peut être décevant. Dans notre relation avec le Seigneur, cela ne doit pas exister car lui-même s’est donné totalement, jusqu’au sacrifice de sa vie sur une croix.
Aujourd’hui, nous entrons dans la grande semaine sainte. Nous allons suivre jusqu’à son sacrifice sur la croix. Comprenons bien : C’est notre vie qui est clouée à la croix avec lui ? Notre vie avec ses peines, ses souffrances et ses péchés que le Christ a pris sur lui. “C’était nos péchés qu’il portait dans son corps sur le bois”. Un jour il a dit qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. C’est ce don total du Christ que nous allons célébrer tout au long de cette semaine Sainte.
Alors n’ayons pas peur d’en faire trop pour Celui qui n’a pas mesuré son amour pour nous. Ne nous retenons pas pour chanter les louanges du Seigneur. Nous sommes tous attendus pour les célébrations du Jeudi Saint, Vendredi Saint, veillée pascale et dimanche de Pâques. Rejoignons tous les vivants qui tombent à genoux et qui proclament : « Jésus Christ est Seigneur pour la gloire de Dieu le Père. » Et que notre liturgie vécue tout au long de cette semaine nous affermisse dans la foi.
Seigneur, nous voulons être là avec la foule pour te louer et pour te glorifier. Nous ne voulons pas être seulement des spectateurs. Tu es vraiment le Roi qui vient au nom du Seigneur ! Tu mérites notre louange pour toutes les grandes choses que tu as faites et que tu fais encore. Tu mérites notre reconnaissance éternelle pour tout ce que tu as fait pour nous. Accorde-nous ta grâce, que nous chantions sans cesse tes louanges non seulement par des mots mais également par nos actions.
La liturgie des Rameaux juxtapose deux événements opposés : l’enthousiasme d’une foule qui acclame Jésus comme Roi libérateur et la furie des opposants qui réclame sa mort. Ce contraste saisissant donne à réfléchir ! À la lecture de l’Évangile, on ressent l’émotion collective des gens qui attendaient beaucoup de Jésus pour réaliser leurs rêves… Ils croyaient pouvoir redevenir, sous son règne, des citoyens d’un pays puissant, un peuple libre. « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mt 21:9) Hélas, l’acclamation de joie sera bientôt couverte par des cris de haine exprimant une immense désillusion : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » (Lc 23:21) Les voilà déçus, ils sont entraînés dans la violence envers Celui qui est venu leur apporter le message d’Amour et non la puissance d’un règne libérateur. La liturgie nous fait revivre ensuite les moments tragiques du mystère de la Rédemption : la Passion et la mort du Seigneur. De la foule enflammée à l’entrée de Jérusalem, il ne reste plus qu’une poignée au pied du Crucifié, dont Marie sa mère et Jean le disciple bien-aimé !…
Cependant, le récit de la Passion selon saint Luc ne s’attarde pas à décrire en détail les souffrances physiques de Jésus, mais souligne plutôt sa générosité et sa miséricorde : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! » (Lc 23:28) Même sur la croix, Jésus prie son Père de pardonner à ceux qui le brutalisent : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23:34) Et quand Il rend l’âme, ce n’est pas dans un grand cri de souffrance mais avec cette parole remplie de paix : « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 23:46) Un splendide témoignage du don de soi jusqu’à la mort ! « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15:13) Le langage de la Croix devient désormais celui de l’Amour, folle et puissante ! Saint Paul met en évidence cette source d’énergie nouvelle : « Car le langage de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. » (1 Cor 1:18) C’est de la folie pour ceux qui, englués dans l’égoïsme, prétendent qu’il faut penser prioritairement à soi. Mais pour ceux qui savent vraiment aimer, c’est la puissance de Dieu : l’Amour qui se donne. L’Amour insondable qui parle dans la profondeur du cœur de celui qui sait l’accueillir. À présent, le chrétien ne regarde plus la croix comme l’instrument de supplice, mais contemple Jésus en Croix pour y puiser la force d’aimer chaque jour davantage même si ce don sans limites peut sembler insensé.
Durant la Semaine Sainte, la liturgie nous fait revivre la Passion de Jésus : la Cène, l’angoisse au jardin des oliviers, l’humiliation, la souffrance, le chemin de Croix, la mort… Un profond mystère de la foi chrétienne. Jésus, le Dieu Tout Puissant, se laisse flageller et crucifier !… Mais avec fidélité, suivons Jésus pas-à-pas jusqu’au bout du Calvaire. Un chemin de souffrance mais porteur d’espérance. À sa suite, ayons l’audace de changer notre vie en réponse à son Amour. Ne nous arrêtons pas sur le côté tragique de sa mort mais gardons dans l’esprit la perspective pascale. La Passion n’est qu’un passage vers la Résurrection. Le chemin de Croix doit réveiller en nous la gratitude envers Celui qui nous aime. Jésus nous a légué un message d’Amour et de Paix, pas celui de souffrance. Ainsi, si nous savons unir notre croix à celle de Jésus, nous serons encore plus unis avec Lui dans sa Résurrection. Le chrétien ne se complaît pas dans la douleur mais garde toujours le cap sur l’objectif à atteindre malgré l’adversité ! Face aux événements parfois difficiles à vivre dans notre parcours de foi, nous sommes souvent désemparés et désorientés comme Thomas à la veille de la Passion de Jésus. « Thomas lui dit : ‘Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ?’ Jésus lui répond : ‘Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.’ » (Jn 14:5-6) À tout prix, gardons foi en Jésus et restons attachés à Lui. Suivons-Le même si des fois l’horizon semble bouché. Contre vents et marées, portons le regard vers l’objectif ultime avec une âpre détermination à surmonter les difficultés pour y parvenir. Ce qui compte, c’est l’énergie qui nous met en mouvement. L’énergie de la Vie !
Jésus a souffert, Il est mort mais Il est ressuscité ! C’est cela notre foi. Vivons pleinement la Semaine Sainte dans la prière et la méditation. Nous allons repartir du bon pied, regonflés à bloc dans l’énergie pascale. Avec Jésus nous passons de la mort à la vie, de l’épreuve au bonheur, et ce, dès maintenant. Bonne Semaine Sainte à nous toutes et à tous sur les pas de Jésus !
Nguyễn Thế Cường Jacques